Littéralement, andropause veut dire cessation de la sécrétion des hormones mâles, ou androgènes, par analogie à la ménopause de la femme. Il existe sans aucun doute une diminution des hormones mâles chez certains hommes âgés de plus de 50 ans. Un traitement hormonal pourrait se discuter en tel cas. Il ne serait cependant utile que si ce déclin hormonal avait des conséquences réelles pour la santé ou au moins pour la qualité de vie, et particulièrement s’il jouait vraiment un rôle dans le vieillissement masculin. Or si cette éventualité est plausible, elle n’est pas totalement démontrée.
Toute une série de symptômes associés au vieillissement masculin sont également observés chez les hommes hypogonadiques. L’hypogonadisme est une maladie caractérisée par la diminution de l’activité des gonades, soit chez l’homme des testicules, aboutissant à une carence en androgènes ou hormones mâles. Il s’agit de symptômes psychologiques comme manque d’énergie mentale, diminution des fonctions cognitives (intellectuelles), diminution de la sensation de bien-être, irritabilité, nervosité, dépression, difficultés de concentration, de symptômes physiques comme manque d’énergie physique, diminution du volume et de la force des muscles, diminution du contenu en calcium des os pouvant déboucher sur de l’ostéoporose, obésité abdominale, gynécomastie (développement des seins), diminution de la pilosité corporelle, sueurs, bouffées de chaleur, palpitations, enfin de symptômes sexuels tels que diminution du désir et troubles de l’érection. L’hypogonadisme peut exister chez des hommes jeunes (moins de 40 ans). Dans ce cas les symptômes précédents disparaissent après administration de testostérone (la principale hormone mâle). Ceci a fait évoquer la possibilité que ces symptômes relèvent aussi d’une origine hormonale lorsqu’ils s’observent chez un homme de plus de 50 ans et qu’ils puissent être également chez lui améliorés par la testostérone. Mais association ne veut pas obligatoirement dire cause, d’autant plus qu’aucun de ces symptômes n’est spécifique de l’hypogonadisme et que chacun peut relever de nombreuses causes.
FORMES CIRCULANTES DE LA TESTOSTERONE ET NOTION DE BIOACTIVITE
La testostérone circule dans le sang pour sa plus grande part liée à des protéines, particulièrement à la Sex Binding Protein (SBP) (figure 1). Celle-ci en lie environ 50 %, qu’elle retient ainsi à l’intérieur des vaisseaux sanguins, empêchant cette fraction d’exercer son effet biologique, qui s’exerce à l’intérieur des cellules, et implique donc que la testostérone sorte des vaisseaux pour s’y rendre. Seules les fractions dites biodisponibles en sont capables. Il s’agit de la fraction libre (non liée à des protéines) et de la fraction dite biodisponible, constituée de la fraction libre + de la fraction liée à une autre protéine, l’albumine, par une liaison qui se rompt facilement pour renouveler la testostérone libre au fur et à mesure qu’elle quitte les vaisseaux pour pénétrer dans les cellules. La testostérone totale est l’ensemble de la testostérone, testostérone liée à la SBP + testostérone libre + testostérone biodisponible (figure 1). Les dosages de testostérone les plus courants dosent la testostérone totale, dont par conséquent seule une proportion, variable selon les individus, est réellement biodisponible et donc active. Des dosages spécifiques des testostérones libre et biodisponible sont maintenant également disponibles.
EVOLUTION DES ANDROGENES AVEC L’AGE
Le taux circulant de la testostérone (principale hormone mâle) diminue avec l’âge (figure 2). Si la décroissance de la testostérone totale ne s’amorce qu’à partir de la cinquantaine voire de la soixantaine, celle de ses fractions biologiquement actives, c’est-à-dire libre et biodisponible, est plus précoce et également plus marquée. Ainsi la décroissance de la testostérone libre est déjà perceptible à la quarantaine, et à 80 ans, si le taux moyen dans le sang de la testostérone totale a diminué d’un quart par rapport à celui de l’adulte jeune, les taux moyens des testostérones libre et biodisponible ont diminué de moitié, soit deux fois plus. Cette diminution plus marquée s’explique par l’augmentation avec l’âge de la Sex Binding Protein.
Il existe donc bien chez l’homme aussi un hypogonadisme (diminution des hormones secrétées par les gonades) associé au vieillissement. Il diffère cependant de celui qu’on observe chez la femme à la ménopause dans la mesure où il est inconstant, progressif et partiel. C’est-à-dire que s’il survient, ce qui n’est pas le cas de tous les hommes, ce n’est jamais brutalement, mais insidieusement, et le début peut se situer à tout âge au-delà de la quarantaine. Ceci fait qu’on tend aujourd’hui à abandonner la terminologie « Andropause », les Anglo-Saxons parlant plutôt aujourd’hui de « Partial Androgen Deficiency of the Aging Male » (déficit partiel en androgènes du sujet vieillissant) ou « PADAM », et les Français de « Déficit Androgénique Lié à l’Age » ou « DALA ».
ROLE DU DEFICIT ANDROGENIQUE DANS LE VIEILLISSEMENT MASCULIN
Ce rôle est encore discuté. S’il est probable, il ne peut être que partiel, car ni les symptômes du vieillissement masculin, ni les différentes pathologies souvent mises sur le compte du déficit androgénique de l’homme âgé, ne semblent pouvoir s’expliquer exclusivement par celui-ci.
En ce qui concerne les problèmes sexuels : Les problèmes de désir et d’érection augmentent très significativement avec l’âge. L’étude qui a évalué de la façon la plus rigoureuse les éventuelles corrélations entre vieillissement sexuel et déclin hormonal a été faite par le Pr Schiavi, et a porté sur 77 hommes âgés de 40 à 78 ans et en bonne santé. Ces hommes ont été étudiés de fond en comble à l’aide de questionnaires évaluant leur comportement sexuel, ainsi que d’enregistrements de leurs érections nocturnes par pléthysmographie, un indice des potentialités d’érection lors des rapports, et de dosages hormonaux très approfondis. Cette étude a confirmé la diminution significative avec l’âge du désir, de l’excitation sexuelle, des érections et de la fréquence des rapports, ainsi que celle de la testostérone biodisponible. Le taux de la testostérone biodisponible s’avérait par ailleurs corrélé (proportionnel) de façon significative (d’une façon tellement marquée que les méthodes statistiques montraient que ce ne pouvait être du au hasard) au désir, à l’excitation sexuelle et aux érections, suggérant que le déclin de cette hormone avec l’âge pouvait jouer un rôle important dans le vieillissement sexuel. Mais toute corrélation entre testostérone biodisponible et comportement sexuel disparaissait si on approfondissait l’étude statistique en « ajustant » les données en fonction de l’âge. La corrélation entre testostérone biodisponible et fonction sexuelle n’était en fait qu’apparente, et liée au fait que les deux paramètres évoluaient dans le même sens en fonction de l’âge. Aucune étude ayant pris en compte l’âge lui-même n’a trouvé de corrélation vraiment significative entre androgènes et comportement sexuel du sujet âgé. Le vieillissement sexuel est manifestement un phénomène pluri-factoriel, au sein duquel les facteurs hormonaux ne semblent jouer qu’un rôle limité.
On a également évoqué la responsabilité du déficit androgénique dans l’ostéoporose (décalcification des os) de l’homme âgé. La fréquence de l’ostéoporose masculine n’a été reconnue que récemment, du fait de l’allongement de la durée de vie qui fait qu’elle a maintenant le temps de se manifester par des fractures dites « spontanées », c’est-à-dire survenant à l’occasion de traumatismes mineurs. Ces fractures surviennent en effet chez l’homme 5 à 20 ans plus tard que chez la femme, chez qui on sait que la ménopause entraîne souvent une ostéoporose (figure 3).
Les arguments en faveur de la responsabilité du déficit androgénique dans l’ostéoporose masculine sont les suivants :
– Outre le rôle capital que joue la testostérone à la puberté dans l’acquisition de la masse osseuse totale (stock en calcium des os), la testostérone semble continuer de jouer ultérieurement un rôle important de ralentisseur de la perte osseuse en calcium.
– Il faut cependant souligner que si cet effet osseux semble résulter en partie d’un impact direct de la testostérone sur le récepteur androgénique (site d’action de la testostérone dans un tissu), les mécanismes les plus importants semblent s’exercer via sa transformation en oestrogènes (hormones féminines) à l’intérieur de l’os.
– En cas d’hypogonadisme, on observe une perte osseuse en calcium, qui peut être ralentie ou stoppée par l’administration de testostérone.
– Un hypogonadisme est d’ailleurs présent dans 20 à 30 % des ostéoporoses masculines.
– Enfin chez le sujet âgé, la densité osseuse en calcium est corrélée significativement à la testostérone circulante. Mais là aussi, dans la majorité des études cette corrélation s’avère liée à l’effet confondant de l’âge (évolution dans le même sens de la diminution de la densité osseuse et de la testostérone avec l’âge).
– Au total, s’il est plausible que le déficit androgénique joue un rôle dans l’ostéoporose sénile de l’homme, ici aussi il s’agit d’une pathologie pluri-factorielle. La responsabilité exacte des androgènes, comme l’intérêt préventif d’une supplémentation androgénique systématique, restent pour l’instant à confirmer.
La responsabilité du déficit androgénique a également été mise en cause dans les problèmes métaboliques et vasculaires, dont la fréquence augmente avec l’âge.
Cette hypothèse pouvait sembler au premier abord saugrenue, puisque classiquement ce sont les androgènes qu’on considère responsables du profil des lipides (graisses du sang) spécifique de l’homme, dit athérogène (favorisant l’artériosclérose), caractérisé par l’augmentation du rapport entre les fractions LDL et HDL du cholestérol (classiquement respectivement mauvais et bon cholestérol), ainsi que de l’augmentation de la fréquence des maladies cardio-vasculaires chez l’homme. L’hypogonadisme devrait donc être protecteur.
On a en fait trouvé récemment toute une série de corrélations significatives entre hypogonadisme masculin et facteurs de risque vasculaire, comme s’il était aussi mauvais de ne pas avoir assez d’androgènes que d’en avoir trop. Ces corrélations significatives concernent particulièrement :
- hypogonadisme et résistance à l’insuline (l’un des principaux mécanismes conduisant au diabète), voire diabète,
- hypogonadisme et variations du profil lipidique dans un sens susceptible de favoriser l’artériosclérose.
- hypogonadisme et augmentation de la graisse dite androïde, répartie sur la paroi abdominale et surtout à l’intérieur du ventre, répartition très corrélée au risque de maladies cardio-vasculaires.
Certains de ces facteurs de risque comme la résistance à l’insuline, le profil lipidique et l’accumulation de graisse dans le ventre sont d’ailleurs améliorés par l’administration de testostérone.
Mais en dépit de cette augmentation des facteurs de risque vasculaire en cas d’hypogonadisme, plusieurs études épidémiologiques prospectives d’excellente qualité n’ont trouvé aucune corrélation dans un sens ou dans un autre entre taux de testostérone et mortalité cardio-vasculaire chez l’homme. La question des risques vasculaires du déficit androgénique n’est donc pas tranchée, et le bénéfice vasculaire d’un traitement androgénique substitutif reste donc hypothétique.
On évoque également souvent le rôle du déficit androgénique lié à l’âge dans la diminution des tonus musculaire et psychique des sujets âgés, avec particulièrement diminution des capacités cognitives (intellectuelles) et altération de l’humeur jusque possibilité de dépression.
Aucun doute que l’hypogonadisme caractérisé soit associé à une diminution du volume et de la force musculaires, et que ces paramètres soient améliorés par l’administration de testostérone. Il semble cependant que la diminution du volume musculaire observée chez le sujet âgé ne résulte pas du seul déclin androgénique (interviendrait également en particulier la diminution de l’hormone de croissance).
En matière de capacités cognitives, on sait que l’homme excelle dans les opérations spatiales et le raisonnement mathématique, alors que la femme est supérieure dans les tests verbaux. Chez l’hypogonadique, les capacités spatiales sont diminuées. Elles sont corrélées au taux circulant de testostérone (c’est aussi le cas chez le sujet normal), et peuvent être stimulées par des injections de testostérone. Par contre les relations entre hypogonadisme et dépression n’ont pas été formellement confirmées bien qu’il existe des arguments sérieux.
La combinaison de ces impacts positifs sur la force musculaire et certaines fonctions psychiques pourrait expliquer les sensations de pleine forme, d’énergie, et de bien-être décrites par certains hypogonadiques sous traitement androgénique, par opposition à la sensation de fatigue qu’ils décrivent en l’absence de traitement.
Au total, il ne faut pas vouloir expliquer tout le vieillissement par les androgènes, testostérone ou même DHEA, (voir sur notre site la fiche : la DHA : est-ce que ça pourrait avoir de l’intérêt pour moi ?). Bien d’autres mécanismes interviennent : certains hormonaux, comme la somatopause, c’est à dire le déficit en hormone de croissance (GH), et beaucoup d’autres non hormonaux, incluant particulièrement des facteurs psychologiques liés aux difficultés à vieillir.
Les arguments les plus sérieux en faveur du rôle du déclin androgénique dans les symptômes du vieillissement masculin viennent des résultats des essais de traitement par administration de testostérone. Celle-ci s’est avérée exercer des effets favorables sur la plupart de ces symptômes.
EFFETS DE L’ADMINISTRATION D’ANDROGENES CHEZ L’HOMME AGE AVEC DEFICIT ANDROGENIQUE (TESTOSTERONE BASSE)
Un nombre conséquent d’études de bonne qualité scientifique, dont la plupart ont comporté une comparaison avec un groupe témoin non traité ou traité en double aveugle par un placebo, permettent aujourd’hui de se faire une idée assez objective des effets du traitement androgénique chez l’homme âgé (plus de 50 ans) avec testostérone diminuée ou limite.
En ce qui concerne la composition corporelle, dont le remodelage est l’élément le mieux corrélé au déficit androgénique : la majorité des études qui s’y sont intéressées chez l’homme âgé rapportent sous traitement androgénique une augmentation de la masse maigre (volume des muscles) et de la force musculaire, ainsi qu’une diminution de la masse grasse, surtout au niveau de la paroi abdominale et de la graisse viscérale (intra-abdominale).
En ce qui concerne l’os : chez l’homme âgé, l’administration d’androgènes augmente la densité osseuse des vertèbres, et, dans la majorité des études, diminue les stigmates biologiques de résorption osseuse. Donc même si la responsabilité du déclin androgénique dans l’ostéoporose masculine est discutée, le traitement androgénique a un effet bénéfique sur l’os.
– Impact psychologique et sur la sensation de bien-être : la plupart des études qui s’y sont intéressées chez le sujet âgé ont rapporté des résultats positifs en ce qui concerne particulièrement la forme générale et la sensation de bien-être. Plusieurs ont aussi rapporté une augmentation de la libido.
– En ce qui concerne la fonction sexuelle, les résultats sont plus mitigés : il existe peu d’études consacrées aux résultats du traitement androgénique chez les hommes âgés présentant des problèmes d’érection et un déficit androgénique. En cas de problèmes d’érection associés à une diminution de la testostérone, il a été trouvé que le traitement par la testostérone était plus efficace qu’un traitement placebo. Cependant si cet effet est très net chez l’homme hypogonadique jeune, le taux de succès ne dépasse pas 50 % chez le sujet de plus de 50 ans. Bien que modeste, ce résultat n’est pas négligeable. En effet, les sujets améliorés par la testostérone récupèrent une fonction sexuelle spontanée, sans la nécessité de programmation du rapport qui caractérise la plupart des autres traitements (avec ceux-ci, le rapport ne peut réussir qu’à condition d’avoir pensé à prendre son médicament ½ heure à 1 heure avant). De plus ce traitement hormonal peut être bénéfique au plan sexuel même s’il n’améliore par les érections (qui peuvent alors souvent l’être par un traitement complémentaire type comprimés ou injections intra-caverneuses). L’administration de testostérone est en effet souvent indispensable pour retrouver un désir sexuel satisfaisant. Sans désir l’amélioration des érections ne servirait à rien. Tout ceci justifie donc un dosage systématique de la testostérone en cas de problème sexuel (de désir et/ou d’érection) survenu après 50 ans, afin de déceler un éventuel déficit.
La fréquence des échecs du traitement androgénique en cas de problèmes d’érection avec testostérone basse s’explique de plusieurs façons :
– la diminution de la testostérone n’est pas toujours la cause du problème d’érection qu’elle accompagne. Elle peut en être une conséquence, via la réduction de l’activité sexuelle (qui stimule la production de testostérone), ou le stress ou la dépression résultant des problèmes sexuels, qui peuvent également diminuer cette production en inhibant sa commande par le cerveau.
– Même lorsque la diminution de la testostérone a réellement une responsabilité dans les problèmes d’érection du sujet âgé, il ne s’agit souvent que de l’une de plusieurs causes associées. Cette diminution coexiste en effet souvent avec le vieillissement d’autres tissus, particulièrement des vaisseaux, susceptible d’empêcher l’amélioration des érections même après normalisation du taux de testostérone.
RISQUES DU TRAITEMENT ANDROGENIQUE
Avant d’envisager un traitement androgénique, il faut bien sûr en examiner soigneusement les risques qui sont potentiellement plus importants chez le sujet âgé.
Ce sont avant tout les risques pour la prostate qu’on évoque :
Il pourrait s’agir de la stimulation d’une hypertrophie bénigne (encore appelée adénome), ou, surtout, de celle d’un cancer méconnu, car la croissance du tissu prostatique est stimulée par la testostérone. Cependant aucun argument ne permet de penser que les androgènes peuvent créer de novo un cancer prostatique.
On dispose actuellement de suffisamment de recul pour conclure que ce risque est faible, car il n’a quasiment jamais été rapporté de cancer qui ait été révélé par un traitement purement substitutif (induisant des taux circulants normaux de testostérone). La prudence doit cependant rester de mise.
Plusieurs études ont surveillé le volume prostatique par échographie et dosage du PSA (Prostatic Specific Antigen, une substance prostatique libérée dans le sang et dont le taux excessif peut révéler un cancer de la prostate) chez les sujets traités par androgènes, qu’ils soient normaux ou hypogonadiques. Il n’a pas été observé de variation vraiment significative. Le volume prostatique est généralement plus petit chez l’hypogonadique que chez le sujet normal. Il augmente sous androgènes mais sans dépasser le niveau normal. Il en est de même du PSA, plus bas chez l’hypogonadique, augmentant sous androgénothérapie, mais sans dépasser les valeurs de l’homme normal.
En tout cas le PSA doit être utilisé pour la surveillance du traitement androgénique. Toute augmentation au-delà des valeurs normales doit être considérée suspecte de cancer, et non pas liée au traitement androgénique.
Les risques métaboliques et vasculaires doivent également être pris en compte plus particulièrement chez le sujet âgé : ils seraient liés à une dose excessive d’androgènes, qu’il convient d’éviter.
– Rétention d’eau, facteur de prise de poids, d’hypertension artérielle, et de décompensation d’une éventuelle insuffisance cardiaque pré-existante.
– Stimulation de la fabrication des globules rouges, génératrice d’une augmentation de leur nombre (polyglobulie), et pouvant être à l’origine d’une augmentation de la viscosité sanguine et d’un risque de thrombose (caillot dans une artère).
– Modification défavorable du profil lipidique, avec augmentation du rapport LDL / HDL cholestérol : en fait, aux doses thérapeutiques habituellement utilisées chez le sujet hypogonadique, c’est plutôt l’effet inverse qui a été observé avec diminution du cholestérol total et du LDL cholestérol.
– Possible impact nocif direct sur la paroi vasculaire.
Il faut enfin tenir compte du risque de stimuler une pathologie sensible aux oestrogènes (hormones féminines), par l’intermédiaire d’une transformation des androgènes administrés en oestrogènes :
– Cancer du sein.
– Certaines tumeurs de la glande hypophyse, en cas d’excès d’hormone prolactine.
– Gynécomastie (développement excessif des seins) chez certains sujets avec insuffisance hépatique, particulièrement d’origine alcoolique.
Ces effets indésirables peuvent être prévenus en choisissant un androgène non transformable en oestrogènes comme la dihydrotestostérone.
Dans l’ensemble, on peut conclure qu’à condition d’une sélection prudente des indications, et d’une adaptation de la dose au minimum nécessaire, la tolérance des traitements androgéniques est excellente.
PREPARATIONS DE TESTOSTERONE DISPONIBLES
– Les patchs de testostérone semblent procurer les profils circulants les plus proches de la physiologie. Les premiers patchs s’appliquaient au niveau des bourses, et étaient d’utilisation compliquée. Les nouveaux patchs s’appliquent sur le dos et sont plus pratiques. Cependant ils sont grands et très visibles, doivent être changés tous les jours, peuvent faciliter une irritation de la peau, et on n’en dispose pas encore en France.
– Un gel de testostérone vient d’être commercialisé en France après 2 ans d’expérience aux Etats-Unis. Une application quotidienne suffit à maintenir pendant 24 H un taux circulant de testostérone dans les limites de la normale. Certains hommes le préféreront certainement aux patchs. Pour l’instant il n’est pas remboursé par la Sécurité Sociale.
– Les piqûres de testostérone (une injection toutes les 2 à 4 semaines) sont très utilisées pour l’androgénothérapie au long cours. Leur principal inconvénient est de donner des taux de testostérone instables, trop élevés juste après l’injection et pas assez la semaine précédant la nouvelle injection, ce qui peut être à l’origine d’une forme générale et sexuelle également instable, un peu cyclique. Elles ont l’avantage d’être très bon marché. Il n’en existe plus qu’une seule marque en France.
– L’undécanoate de testostérone (préparation de testostérone en comprimés absorbables par voie digestive) est efficace mais nécessite au moins 2 prises par jour.
– Le gel de dihydrotestostérone n’a qu’une efficacité préventive incomplète sur la perte osseuse et peut-être au niveau des vaisseaux, faute d’être transformable en oestrogènes. Il est remboursé par la Sécurité Sociale.
– Les injections de gonadotrophines chorioniques, qui stimulent la sécrétion de testostérone par le testicule, peuvent être pratiques dans certains cas, particulièrement lorsqu’on souhaite un traitement seulement transitoire, et que le testicule est encore capable de réagir.
RECOMMANDATIONS DE LA CONFERENCE DE CONSENSUS DE PARIS (Juillet 1999)
Une conférence de consensus s’est réunie en Juillet 1999 à Paris. Elle a élaboré différentes recommandations, incluant, pour ce qui concerna le comité d’endocrinologie, des recommandations concernant les traitements androgéniques :
– Les traitements androgéniques ne sont recommandés qu’en cas de testostérone basse ou limite, à condition que la constance de l’anomalie ait été vérifiée par un second dosage.
– Ils doivent s’inscrire dans le cadre d’une démarche médicale complète, avec interrogatoire et examen clinique, et recherche de la cause de l’hypogonadisme dans tous les cas, particulièrement, lorsqu’il apparaît justifié, recherche d’une hémochromatose et d’une tumeur hypothalamo-hypophysaire.
– Les contre-indications strictes en sont le cancer du sein et de la prostate, la polyglobulie et l’insuffisance cardiaque sévère.
– De plus ils ne doivent être utilisés qu’à la condition d’une surveillance rigoureuse en cas de symptomatologie du bas appareil urinaire (symptomatologie évoquant des problèmes de prostate), de syndrome des apnées du sommeil, d’hyperlipidémie et d’hyperprolactinémie mal contrôlée par un médicament hyperprolactinémiant.
– Ils requièrent une surveillance régulière :
Le premier contrôle doit avoir lieu après 2 à 3 mois de traitement. Il évalue l’équilibre clinique : sensation de bien-être, vigueur, humeur, fonction sexuelle, et la tolérance : particulièrement le poids (qui peut augmenter en cas de dose excessive) et la tension artérielle. On doit pratiquer un toucher rectal et on évalue la testostérone dans le sang, ainsi que le PSA.
Les contrôles suivants ont lieu, sauf cas particulier, tous les 6 mois puis tous les ans, incluant les mêmes vérifications, ainsi que le taux des globules rouges.
CONCLUSIONS
Même si le rôle du déficit androgénique dans le vieillissement masculin est incomplètement élucidé, il apparaît qu’un traitement androgénique peut être bénéfique à plusieurs égards pour certains hommes âgés de plus de 50 ans et qu’à condition d’être correctement prescrit et surveillé, ses risques semblent limités. On considère donc aujourd’hui qu’il est justifié s’il existe à la fois :
– Des symptômes cliniques compatibles avec un déficit androgénique (aucun de ces symptômes n’est cependant spécifique de ce déficit).
– Et une diminution vérifiée à 2 reprises de la testostérone totale ou biodisponible, ou même simplement une testostérone limite.
– Par contre on ne le considère pas aujourd’hui justifié à titre purement préventif, c’est-à-dire en cas d’anomalie hormonale non associée à des symptômes cliniques.
Insistons encore sur le fait que le vieillissement est un processus pluri-factoriel. Le déclin androgénique y joue probablement un rôle mais son importance reste encore à déterminer. Le vieillissement implique bien d’autres modifications endocriniennes :
– diminution des androgènes surrénaliens (DHEA), qui se manifeste dès la quarantaine,
– diminution de l’hormone de croissance et de l’IGF1,
– résistance à l’insuline, et donc excès d’insuline,
– sans compter les multiples modifications non endocriniennes, qui jouent probablement un rôle prépondérant.
La limitation des effets du vieillissement n’est pas qu’une affaire de traitement hormonal. Elle commence par une alimentation équilibrée, la suppression du tabac, la réduction de l’alcool et des graisses d’origine animale, la lutte contre l’embonpoint, et surtout l’exercice physique régulier sur l’importance duquel on ne saurait trop insister. L’exercice physique est la seule mesure dont l’effet préventif sur les problèmes d’érection a été prouvé. Cet effet préventif s’exerce même lorsque l’exercice a débuté tard dans la vie.
Beaucoup de progrès restent à faire pour comprendre et atténuer le vieillissement masculin. Il s’agit là de l’un des défis du 21ème siècle. Avec l’allongement de l’espérance de vie, 16 % des hommes auront plus de 65 ans en 2050. Ces progrès sont donc indispensables si l’on veut améliorer leur qualité de vie, et leur permettre de « vieillir en bonne santé, et dans la dignité ». Beaucoup d’éléments permettent de penser qu’un traitement substitutif par la testostérone peut contribuer à atteindre cet objectif chez certains hommes.
LEGENDE
Figure 1 : Les fractions circulantes de la testostérone.
Figure 2 :Evolution de la testostérone avec l’âge. L’évolution de la testostérone biodisponible est proche de celle de la testostérone libre (d’après les travaux du Pr Vermeulen).
Figure 3 :Fréquence des fractures en fonction de l’âge
(à gauche tous les types de fracture ; à droite factures du col du fémur)