La DHEA : Est-ce que ca aurait de l'intéret pour moi ?

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La DHA, ou plutôt DHEA, est la Déhydroépiandrostérone, une hormone stéroïde fabriquée par la glande surrénale, petite glande endocrine située au-dessus du rein. On la classe parmi les androgènes, c’est-à-dire les hormones qui déterminent les caractères physiques spécifiques de l’homme (musculature plus forte, pilosité plus importante, voix plus grave, etc…). Les androgènes sont bien sûr principalement fabriqués par l’homme, mais la femme en produit aussi, en quantité beaucoup moindre. Certains androgènes peuvent jouer un rôle physiologique chez elle. Particulièrement il a été montré que le désir sexuel de la femme dépendait plus des androgènes que des hormones spécifiquement féminines, les oestrogènes.

La DHA n’a par elle-même que des effets androgéniques très faibles. Il faut surtout la considérer comme une pré-hormone, puisqu’elle est transformée dans le corps d’une part en testostérone, qui est l’androgène le plus puissant, d’autre part en estradiol, qui est l’œstrogène, ou hormone spécifiquement féminine, le plus puissant. De plus, on sait que de la DHA est fabriquée en petite quantité dans certaines cellules cérébrales. On ne sait pas quel y est son rôle physiologique, mais cela amène à penser qu’elle pourrait avoir un effet sur certaines fonctions du cerveau.

La production surrénalienne de DHA joue un rôle important dans le déclenchement de la puberté. Pour la suite on ne sait plus très bien à quoi sert cette hormone, mais sa production a la particularité de diminuer assez tôt dans la vie, dès la quarantaine. Ceci a conduit à imaginer que cette diminution précoce pourrait jouer un rôle dans le vieillissement.

Chez les rongeurs, l’administration de DHA prévient la survenue de nombreux problèmes : obésité, diabète, cancer, maladies cardio-vasculaires, maladies auto-immunitaires. Ceci ne peut cependant pas être considéré comme un argument en faveur d’un rôle protecteur analogue dans l’espèce humaine car, en fait, les rongeurs ne fabriquent pas naturellement de DHA.

Il y a environ 10 ans, une première étude sérieuse (en double aveugle) a comparé l’administration de DHA à celle d’un placebo chez des sujets âgés. La méthodologie en double aveugle est la plus valable scientifiquement, car elle est celle qui permet les conclusions les plus objectives. Cette étude, rapportée par le Dr MORALES, souffrait tout de même de quelques imperfections et avait particulièrement mélangé les résultats des hommes à ceux des femmes. Quoi qu’il en soit, elle concluait à une augmentation significative de l’énergie et de la sensation de bien-être chez les personnes qui avaient pris de la DHA. Par contre on n’observa pas d’impact sur le plan sexuel.

Cette étude a contribué à l’énorme engouement pour la DHA aux Etats-Unis. Pourtant, au cours des années suivantes, la plupart des autres études consacrées à cette hormone, et qui ont également utilisé une méthodologie en double aveugle contre placebo, n’ont pas retrouvé les résultats de MORALES. Les seuls faits positifs qui ont été observés en faveur de la DHA sont les suivants : dans une étude spécifiquement consacrée à des femmes qui avaient une absence ou une insuffisance grave de fonctionnement de la glande surrénale (« insuffisance surrénalienne »), les amenant à ne plus fabriquer du tout cette hormone, l’administration de DHA a obtenu une amélioration de certains paramètres psychologiques, une augmentation de la sensation de bien-être, et une stimulation du désir et de la satisfaction sexuels. On se trouvait cependant là dans une situation très particulière et exceptionnelle, une véritable maladie, très éloignée de la situation des personnes vieillissantes mais normales. Par ailleurs, une étude américaine a obtenu, en administrant des doses très élevées de DHA (6 fois la normale), une stimulation du désir sexuel chez des femmes jeunes, consultant pour diminution du désir. Mais à ces doses il ne s’agissait manifestement pas d’un effet physiologique, et on pouvait être sûr qu’apparaîtraient rapidement des effets secondaires gênants, type développement d’une pilosité excessive. Enfin l’étude française du Pr Baulieu, qui est, méthodologiquement, la meilleure étude clinique qui ait été consacrée à ce sujet, a également obtenu des résultats intéressants, quoique limités : dans cette étude, il a administré pendant une année complète, soit de la DHA, à dose proche de la production physiologique (50 mg/j), soit un placebo, à 300 hommes et femmes âgés et normaux. La moitié de ces sujets avait de 60 à 70 ans, et l’autre moitié de 70 à 80 ans. Chez les hommes on n’a observé aucune différence selon qu’ils prenaient la DHA ou un placebo. Chez les femmes par contre, on a observé trois types de différences :

  1. Des modifications au niveau de la peau dans le groupe prenant de la DHA ; cependant ces modifications n’étaient pas bénéfiques puisqu’il s’agissait de modifications telles qu’on en observe chez les femmes qui ont trop d’hormones mâles, type peau grasse.

  2. Un ralentissement de la perte en calcium au niveau des os chez les femmes sous DHA. Cet effet était certainement lié à l’augmentation de la fabrication d’Estradiol à partir de la DHA, et le taux de cette hormone était d’ailleurs augmenté dans le sang. Ces résultats auraient été aussi bien obtenus avec le traitement oestrogénique substitutif classique de la ménopause.

  3. Enfin, dans le seul groupe des femmes de 70 à 80 ans qui prenaient de la DHA, une stimulation du désir sexuel, effet qu’on ne retrouvait pas chez les femmes plus jeunes. Dans ce cas l’effet était très probablement lié à la transformation de la DHA en testostérone, le taux de cette hormone étant également augmenté dans le sang par rapport aux femmes sous placebo. Dans l’ensemble le traitement par la DHA a été bien toléré.

Par conséquent peu de choses objectives en faveur de la DHA. Il faut souligner qu’aucune étude à long terme n’a étudié les risques éventuels de la prise de cette hormone. Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi la DHA est en vente libre aux Etats-Unis, ainsi que dans quelques autres pays. Cela tient à une particularité de la réglementation américaine, qui a classé ce produit parmi les « suppléments diététiques » et non parmi les médicaments. Les produits classés dans cette catégorie ne font l’objet d’aucune régulation, au contraire des médicaments qui doivent avoir fait comme en Europe la preuve de leur efficacité et de leur absence de risque avant d’être mis sur le marché. L’absence de régulation vis-à-vis de ces produits, couramment vendus aux Etats-Unis dans les supermarchés, est telle qu’une étude récente faite dans ce pays, et qui a effectué des dosages au niveau des produits de type « suppléments diététiques », a trouvé que pour certains d’entre eux on ne trouvait même pas le produit annoncé sur l’étiquette à l’intérieur des comprimés, et que pour beaucoup d’autres, et en particulier certaines préparations de DHA, les doses étaient beaucoup moindres que celles annoncées sur l’étiquette.

Les conclusions qu’on peut tirer aujourd’hui des données scientifiques disponibles sont les suivantes : il n’est pas exclu que la DHA joue un rôle important dans la régulation de certaines fonctions essentielles de l’organisme humain. Mais l’on n’en a aucune preuve aujourd’hui. On ne dispose d’aucune donnée quant aux risques s’attachant potentiellement à la prise de DHA à long terme. Particulièrement la prise simultanée de DHA et d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause peut aboutir à une majoration de la quantité d’hormones féminines oestrogènes présente dans l’organisme, du fait de la transformation de la DHA en Estradiol. Or aujourd’hui on se pose des questions quant aux effets des oestrogènes, après la ménopause, sur l’accélération de l’évolution, et donc la révélation, des cancers du sein. Les données dont on dispose aujourd’hui amènent à penser que la supplémentation en DHA n’apporte aucun bénéfice chez l’homme. De plus la DHA est contre-indiquée en cas de cancer de la prostate car elle se transforme en testostérone qui peut stimuler l’évolution de ce cancer. Nombre de médecins recommandent donc de ne jamais la prescrire chez un homme de plus de 50 ans, chez qui le cancer le plus fréquent est le cancer de la prostate, sans s’assurer de l’absence de ce cancer par un examen de la prostate et un dosage du PSA, et tous la contrindiquent en cas d’antécédent de cancer de la prostate, même traîté. Chez la femme, la DHA pourrait avoir un intérêt de prévention de l’ostéoporose pour les femmes qui ne veulent pas prendre de traitement hormonal substitutif classique (à base d’œstrogènes et de progestérone). Cependant, la DHA est potentiellement contre-indiquée lorsque le traitement hormonal substitutif classique est lui aussi contre-indiqué (par exemple après cancer du sein), puisqu’elle va être transformée en Estradiol dans l’organisme. Elle pourrait également avoir un intérêt de prévention du déclin sexuel chez la femme âgée, au-delà de 70 ans. Dans l’avenir, elle constituera peut-être une forme élégante d’administration des androgènes chez la femme dans des cas où celle-ci pourrait être utile, particulièrement chez certaines femmes ménopausées, qui souffrent à partir de leur ménopause d’une diminution du désir sexuel non améliorée par le traitement hormonal substitutif classique (oestrogènes et progestérone). En tel cas, il a été montré que l’administration de petites doses de testostérone pouvait améliorer le désir. Cependant on ne dispose pas en France de présentation de testostérone adaptée à cet usage chez la femme. Les présentations disponibles ont été conçues pour les hommes, et exposent au risque, en les donnant à la femme, d’un surdosage aboutissant à l’apparition de signes de virilisation (particulièrement acné et pilosité excessive). L’intérêt de la DHA chez cette dernière catégorie de femmes, et son absence de risque, restent cependant à prouver.

Au total, comme vous pouvez le constater, pour l’instant beaucoup de bruit pour pas grand chose.

Lisez aussi l’article de notre site :  Communiqué de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé sur la DHEA