ADIRS – VIH chez les personnes de plus de 50 ans: un risque sous-estimé ADIRS – Conserver une vie sexuelle active après 45 ans dépendrait surtout de l'importance que les femmes accordent à la sexualité

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Extrait du Bulletin de la SFMS

Analyse Par Gilbert Bou Jaoudé, Lille, France

 

D’après l’article Human Immunodeficiency Virus (HIV) in Older People.Gary Pratt; Kate Gascoyne; Katherine Cunningham; Anne Tunbridge. Age and Ageing. 2010;39(3):289-294. 

Le nombre de personnes de plus de 50 ans vivants avec le VIH devrait augmenter au cours des prochaines décennies. En effet, l’efficacité des traitements anti-retroviraux  permet de prolonger l’espérance de vie des personnes séropositives au VIH et de plus, le risque de primo-infection à VIH est réel dans cette tranche d’âge même si ce risque est souvent négligé.

Les auteurs de cet article ont passé en revue différentes particularités de l’infection par le VIH chez les personnes de plus de 50 ans puis se sont intéressés au risque de contamination par le VIH dans cette tranche d’âge.

Les principales particularités du VIH chez les plus de 50 ans sont d’ordre :

  • épidémiologique : en 2005, aux USA, 15 % des nouveaux diagnostics de séropositivité au VIH concernaient des personnes de plus de 50 ans et 24 % de l’ensemble des personnes vivants avec le VIH avaient plus de 50 ans (selon le  Center for Disease Control and Prevention). Il s’agit d’une augmentation de 8 % par rapport à la prévalence estimée en 2001. Cependant, l’estimation de la prévalence du VIH reste particulièrement difficile dans cette tranche d’âge en particulier à cause du faible taux de dépistage.
  •  physiopathologique : la progression de l’infection semble plus rapide chez les personnes de plus de 50 ans. Plusieurs théories sont évoquées pour expliquer cette progression accélérée de l’infection : une faible réserve en cellules T, augmentation avec l’âge des récepteurs facilitant la pénétration du virus dans les cellules, réduction de la production d’IL-2 et de leurs récepteurs conduisant à une « immunosénescence »…
  • thérapeutique : la tri-thérapie anti-retrovirale est significativement efficace chez les personnes de plus de 50 ans. Mais cette population garde une durée de survie plus courte et un taux de progression du SIDA plus élevé que les personnes de moins de 50 ans y compris sous traitement. En réalité, cet apparent manque d’efficacité des traitements antiretroviraux serait essentiellement dû au diagnostic souvent tardif du VIH chez les personnes de plus de 50 ans (par exemple à l’occasion d’une infection intercurrente) et en conséquence le traitement est débuté à un stade déjà avancé de l’infection. Enfin, les effets secondaires des traitements antiretroviraux conduisent à une comorbidité plus élevée chez les personnes de plus de 50 ans. Il s’agit essentiellement des conséquences des dyslipidémies parfois sévères, des pathologies cardio-vasculaires, de l’ostéoporose…

Pourquoi les personnes âgées sont-elles plus à risque de VIH ?

 Cet article ne se limite pas uniquement à des données « infectiologiques » du VIH chez les personnes de plus de 50 ans. Il s’intéresse aussi aux facteurs qui favorisent la survenue et le dépistage tardif d’une infection à VIH dans cette population. Voici les principaux qu’il faut retenir :

  • Les campagnes publicitaires et autres stratégies de prévention du VIH ont rarement comme cible les personnes de plus de 50 ans
  •  La plupart des personnes de plus de 50 ans ne se considèrent pas forcément à risque de VIH, contrairement aux plus jeunes qui ont débuté leur vie sexuelle avec des informations sur ce risque…
  • Les professionnels de santé eux même ne considèrent pas toujours les personnes de plus de 50 ans à risque de VIH et en conséquence pratiquent moins fréquemment le dépistage dans cette population. De plus, plusieurs symptômes d’une infection débutante à VIH pourraient être confondus avec des symptômes « liés à l’âge » ce qui retarde considérablement le diagnostic
  • Dans les pays occidentaux, l’allongement de la durée de vie et l’amélioration de la qualité de vie des personnes de plus de 50 ans, associés aux modifications des schémas sociaux (séparations des couples, augmentation du nombre de « célibataires » de plus de 50 ans, la possibilité de multiplier les rencontres…) augmentent la durée et le niveau d’exposition au risque d’IST et en particulier de VIH
  •  Malgré les stéréotypes sociaux, beaucoup de personnes âgées gardent une vie sexuelle active (dans une enquête aux USA, 81.5 % des personnes de plus de 50 ans avaient une ou plusieurs partenaires sexuelles y compris des relations avec des prostituées)
  •  Mais très peu utilisent le préservatif masculin (et encore moins le préservatif féminin !)
  •  Chez les femmes, les modifications de la muqueuse vaginale après la ménopause pourraient la fragiliser. Cette muqueuse deviendrait alors une porte d’entrée plus facile pour le VIH et les femmes seraient plus à risque de contamination…
  • L’augmentation des voyages pour les personnes de plus de 50 ans augmenterait la possibilité d’aller dans des pays où le tourisme sexuel est possible et en tout cas l’accès à la prostitution est plus facile
  •  L’utilisation des médicaments pro-érectiles comme les IPDE5 permet aussi d’augmenter la durée de vie sexuelle des hommes et en conséquence d’augmenter aussi la durée d’exposition au risque d‘IST
  •  Les tabous sociaux rendent le diagnostic de SIDA plus « honteux » chez les personnes de plus de 50 ans ce qui peut les pousser à ne pas se faire dépister ou à masquer leur infection à leurs partenaires augmentant ainsi le risque de contamination
  •  Ces mêmes tabous rendent la demande d’utilisation de préservatif plus difficile dans cette population (crainte d’être considérées comme ayant le virus si on l’exige, difficultés à en acheter…)
  • La honte de consulter suite à un rapport non protégé ou une rupture de préservatif en demandant la tri-thérapie d’urgence (qui diminue considérablement le risque de séroconversion), est plus grande chez les personnes de plus de 50 ans (crainte d’être jugé…)
  •  La pose de préservatif peut être à l’origine de Dysfonction Erectile (DE) chez certains hommes qui pourraient alors préférer ne pas l’utiliser
  •  …

Commentaires

Les personnes de plus de 50 ans doivent être considérées, au même titre que les plus jeunes, à risque de VIH. Entre ces deux populations les comportements sexuels diffèrent mais le risque vis-à-vis du VIH est similaire ! Ce risque pourrait même être de plus en plus élevé chez les personnes de plus de 50 ans pour toutes les raisons citées ci-dessus.

Les actions de prévention devraient donc s’y intéresser de façon spécifique en ciblant les messages et adaptant le discours aux nouveaux comportements sexuels.

Par ailleurs, en tant que prescripteurs d’IPDE5 nous avons l’habitude d’interroger les jeunes patients sur leurs comportements sexuels éventuellement à risque lors de la prise en charge de DE. Mais avons-nous réellement l’habitude de le faire chez les personnes de plus de 50 ans ?

En tout cas, au minimum, une prise de conscience de la spécificité de cette population quant aux risques d’IST et en particulier du VIH est nécessaire. Cela permettrait de diminuer les primo-infections par la prévention spécifique à cette population et de dépister de plus en plus tôt les infections à VIH afin de permettre au patient d’accéder rapidement à une prise en charge adaptée.

Créé le 31/08/2014